Par Christelle Kamanan
Salut, tu viens d’où ? Waouh, j’adore tes cheveux, je peux toucher ? Non, je ne te crois pas ; c’est impossible que tu ne saches pas danser. Attends, vous les Africains vous avez TOUS le rythme dans la peau! Eh, on ne fonctionne pas à l’heure Africaine ici.
Autant de remarques désobligeantes et déplacées auxquelles sont souvent confrontées les femmes Africaines en Europe. Et encore, ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres.
Après tout, on pourrait dire que ce ne sont que des mots. On pourrait aussi dire que les auteurs n’avaient pas de mauvaises intentions, que ce ne sont que de simples expressions ou même des blagues, que personne ne prend cela au sérieux etc. “Personne ne prend cela au sérieux”, vraiment? Qu’advient-il du fait qu’un être humain se construit en partie en fonction de l’image qu’on lui renvoie, le rôle qu’on lui attribue et les qualificatifs avec lequel on le présente et représente. Dans des sociétés Européennes où les femmes Noires ont peu de visibilité ou sont représentées de manière erronée, cela les touche forcément. Imaginez l’impact sur une adolescente en quête d’identité et de repères!
Notre image extérieure en public
La majorité des femmes et jeunes filles africaines vivant en Europe admet avoir ou avoir eu une image extérieure pour le public. Celle utilisée en présence d’occidentaux caucasiens. Je me souviens, en avoir souvent, discuté et même ri avec une de mes sœurs. Chacune relatant un moment au cours duquel, elle a laissé l’autre soi s’exprimer. “Ya foye“, “On dit quoi“, “Faut pas chauffer mon cœur” … (avec l’accent, sinon ça n’a aucun intérêt!) Ce sont de belles anecdotes, mais cela concerne aussi notre langage corporel, notre démarche, nos rires.
Pourquoi portons-nous ces masques? Comment arrivons-nous à porter les mêmes masques?
Ces questions nous, une vingtaine d’Africaines et Afro-descendantes, les avons abordées lors d’un atelier de danse contemporaine. La seule chose que nous avions, a priori en commun, était notre couleur de peau, même avec des teintes variées. Pourtant les mêmes stress sont revenus en parlant de nos interactions à l’extérieur: les cheveux, les vêtements – bien habillée, selon une certaine norme, pas trop sexy ou exubérant, le stress d’être en retard, la sensation d’être épiée en continu …
Si la musique touche les cœurs et les âmes, je crois que la danse est le langage de l’esprit. Elle permet de représenter ou même de décrire à la fois les faits et les ressentis. Combien de fois en tant que femme africaine vivant en Europe, on réfléchit avant d’exprimer son ressenti ou on s’abstient tout simplement!
Ce n’est pas un hasard, s’il y a de plus en plus de danseuses et chorégraphes dans les différentes diasporas Africaines qui s’intéressent aux thérapies corporelles. Booty thérapie, danse expressive, danse contemporaine …
Peu importe les défis auxquels nous faisons face, le développement et l’épanouissement personnels d’une femme passe par le rapport à son corps. Mieux connaître son corps, s’interroger sur son image, son langage corporel. Alors pourquoi pas s’en occuper par la danse!