Par Christelle Kamanan

Femme née dans les années 80, j’ai grandi bercée par des contes de fées, pleins de princesses qui attendent leur prince charmant et se font taper par de méchantes femmes. Tout cela à l’écrit ou encore mieux en image, à travers de célèbres dessins animés, qu’il fallait absolument regarder pour être “à la mode”. Dans ces contes de fées, il n’y avait que très rarement de méchants hommes. Ceux-ci étaient en fait soient représentés par des animaux ou juste comme des hommes marginaux. Nous sommes plusieurs décennies après, et cela n’a pas vraiment changé.

Cela pose plusieurs problèmes, n’est-ce pas ?

Les contes, misogynes ?

C’est une question qui est de plus en plus présente et qui a été encore plus propulsé avec le mouvement #Metoo.
Certains hommes prennent la parole car ils ne souhaitent pas que leurs enfants, notamment leurs filles, grandissent avec une vision manichéenne erronée du monde. Il y aurait de méchantes, affreuses femmes jalouses, manipulatrices et prêtent à tout pour détruire de jeunes enfants; face à des hommes, plutôt bienveillants ou obligés de suivre les ordres de ces horribles femmes.

Cela a-t-il au moins un sens ? Dans le conte du Petit Poucet par exemple, la mère se montre peu clémente et est vraiment déterminée à abandonner un de ses enfants. Un enfant, qu’elle a pourtant porté 9 mois et dont elle a accouché ; elle n’a aucune pitié! J’avais été très marquée par l’horrible sorcière Ursula, du dessin animé La Petite Sirène. A tel point, que je trouvais ce prénom moche et j’avais peur des femmes prénommées ainsi! Sans oublier de mentionner que ces femmes sont toutes vieilles et laides. Alors que les rois, âgés, sont encore viriles et élégants. Une fois un certain âge atteint, les femmes seraient-elles toutes destinées à s’enlaidir, à avoir des verrues, à être mauvaises ? C’est un autre des clichés, non fondés, véhiculés par toutes ces histoires.

S’il est vrai que certaines belle-mères (deuxième épouse) ne sont ni sympathiques ni aimantes, pourquoi faudrait-il accepter cela comme une caractéristique intrinsèque aux belle-mères ? D’ailleurs, on les désigne souvent à tort par le terme “marâtre”. C’est un mot à connotation péjorative qui désigne certes une “belle-mère”, mais aussi une “mauvaise mère”. La réalité est bien plus nuancée. Il y a plein de femmes qui sont aimantes, chaleureuses et présentes auprès de TOUS les enfants qu’elles côtoient. Des femmes, mères ou non, qui ne font pas de différence entre les enfants. Des êtres mâtures et responsables qui savent qu’un enfant a besoin de soins physiques, psychologiques et émotionnels ; et qu’un enfant n’est pas responsable des difficultés des adultes. Comme le français ne fait pas la distinction avec les belle-mères (mère d’un des époux), il en est de même. Combien de blagues, plus ou moins respectueuses, dressent un portrait désagréable de ces femmes. Elles sont décrites comme étant hystériques, colériques, rabats-joie, peu scrupuleuses, autoritaires et sources de conflits. Voilà ce que nous dit l’imaginaire collectif sur les femmes.

Et les loups alors ?

Oui, et les loups alors ? Si vous êtes familier.ère du conte de Charles Perrault Le Petit Chaperon Rouge, vous savez déjà ce que représente le loup. Au milieu des années 90, en France et en Belgique, plusieurs cas d’enlèvements, de pédophilies et de meurtres de préadolescentes et adolescentes faisaient la une des journaux. Ainsi nos parents et les enseignants nous rappelaient constamment qu’il ne fallait ni parler aux inconnus ni les suivre, où que ce soit. Seulement voilà, on a aussi omis (oublié) de nous dire que les loups se cachent bien souvent dans les repas de famille, aux anniversaires, dans les classes d’écoles, dans les lieux de culte, les salles de sport, etc. On n’a pas crié aussi fort pour dire que les loups se cachaient derrière des visages familiers, des personnes connues et qu’ils pouvaient souvent avoir l’allure d’une figure bienveillante, rassurante, attentionnée, une personne à laquelle on peut se confier et avec laquelle on peut partager des secrets. Peut-être trop de secrets, des choses qui ne devraient pas en être.

Nourrie aux contes de fées, je ne savais pas non plus que la première personne qui me briserait le cœur ne serait pas une méchante marâtre, que d’ailleurs je n’ai jusqu’à ce jour pas rencontrée. L’être qui me fit me sentir mal au point d’en mourir, était un homme, déguisé en prince charmant ; selon ce qu’on m’avait montré, bien sûr. Puis un autre prince charmant vint, et j’ai encore pleuré. Puis un autre, et encore des mouchoirs, et encore un autre … Où est donc ce “ils vécurent heureux et eurent plein d’enfants” ?

Les loups peuvent aussi se cacher derrière des manipulations, de la domination psychologique, de la violence physique et/ou verbale. Il existe plusieurs types de loups. Tout comme il y a des hommes, qui sont juste des hommes. Ils n’ont ni super pouvoirs, ni intensions mauvaises. On ne nous montre pas encore assez, comment les reconnaître.

Des contes féministes

Je dis pas assez car la donne change. Des autrices, et quelques auteurs aussi, prennent la plume pour créer une autre réalité littéraire pour les enfants et les adultes, en écrivant des versions plus inclusives des histoires connues ou en créant d’autres. Voici quelques titres qui ont retenus mon attention, vous comprendrez pourquoi, rien qu’en les lisant!
La princesse qui n’aimait pas les princes de Alice Brière-Haquet
Même les princesses pètent de Ilan Brenman
Curieuse, Bavarde et Coquette de Michel Piquemal

Des initiatives aussi se mettent en place, comme Dimanches du Conte, à Bruxelles.

Bon allez, bientôt nous aurons une héroïne qui rêve d’être entrepreneure!