By Aline Tou

La question peut sembler étrange, mais laissez moi vous mettre dans le contexte, un contexte qui vous est certainement familier.

Il y a quelques temps, mon mari et moi partagions un repas avec des amis, et comme d’habitude quand on se retrouve entre burkinabè ou entre africains, la discussion portait sur le fameux “ développement de l’Afrique”, (whatever that means). Les affirmations habituelles ont été lancées: “Notre continent est en retard”, “C’est la faute de nos dirigeants corrompus”, “Les africains ne s’aiment pas, ils ne savent pas s’unir”, etc. Certains ont même apporté des solutions: “Nous devons former les États-Unis d’Afrique”, “Nous devons consommer ce que nous produisons”, “Il faut qu’on se soutienne entre nous africains pour pouvoir avancer”. Ces discussions ont lieu depuis des années parmi les africains, les afro-descendants ; ensuite chacun quitte la soirée, le barbecue, la fête, et range ses convictions et sa détermination à faire avancer son pays, son continent, dans une petite boîte qu’il ressort à la prochaine rencontre.

Il y a quelques semaines, en quittant la énième soirée et avec elle, la énième discussion, je me suis posée une question: la prochaine génération, aura t-elle les mêmes discussions? Tristement, je pense que si nous ne bâtissons pas ce que nous prêchons, tout ce que nous aurons à léguer à nos enfants, ce sera des discussions, des affirmations et convictions sans lendemains.

Une fois qu’on a dit ça, il faut apporter des solutions, alors voici les 5 attitudes dont je propose que nous fassions des habitudes:

1- L’afro-promotion. « partager », « aimer », « commenter », « aimer la page », « suivre », voilà des verbes qui peuplent le quotidien des 157,68 millions d’africains qui visitent l’Internet régulièrement (JDN d’après banque Mondiale, 2011). Avec ces actions, tu as le pouvoir, en 5 secondes, de contribuer à rendre plus visible les inventions, les produits, les services, les réalisations des autres africains. Imagine que les 157,68 millions partagent et aiment systématiquement les pages de leurs sœurs et de leurs frères, pas parce qu’ils se connaissent, pas parce qu’ils consommeraient le produit, seulement pour promouvoir le travail des enfants d’Afrique. Ce que tu imagines est faisable, ici et maintenant, alors à toi de décider de faire de l’afro-promotion au quotidien ou pas…

2- L’afro-consommation : Qui profite de l’argent que tu dépenses ? Tu vis à Ouagadougou et tu délaisses le yaourt fait fraichement à quelques kilomètres pour acheter du yaourt importé dans des conditions inconnues et peut-être dangereuses pour ta santé. Tu es burkinabè, tu dépenses des centaines et des milliers de dollars pour un sac à main français ou américain mais tu n’es pas prête à investir 40 ou 60 dollars pour une création originale burkinabè qui nourrit des tisseuses de pagnes et encourage l’artiste qui crée les designs. Tu vis à Paris, tu vas régulièrement à des fêtes mais tu ne penses pas à apporter cette marque de jus créée par un jeune malien, ou à faire un petit détour par le magasin du frère congolais pour y acheter le nécessaire plutôt que de donner encore ton argent à ce grand groupe déjà milliardaire parce que c’est plus pratique dans l’immédiat. Et avec tout ça tu te demandes pourquoi nos communautés n’ont pas les moyens de réaliser de grands projets. Ne te demande plus, afro-consomme.

3- L’afro-éducation . Quand tu n’es pas dans ton pays, tu en es d’office un ambassadeur ou une ambassadrice, ce qui t’impose 2 responsabilités : premièrement dans le pays où tu vis, tu dois éduquer celles et ceux que tu rencontres, lorsque des questions sont posées ou des erreurs commises (non, l’Afrique n’est pas un pays, non je ne connais pas Amadou, il vient de Guinée, je viens du Burkina Faso, et non ce n’est pas la même chose, c’est bien ça 54 pays différents comme la Grèce, la Russie et la France …). Quand tu prends le temps de répondre autre chose que « Je viens d’Afrique » à la sempiternelle question « d’où tu viens ? », il y a une voie qui s’ouvre pour construire avec l’autre un savoir qui n’est jamais perdu. La deuxième responsabilité que tu as, est envers tes frères et soeurs qui sont au pays (ils ont d’ailleurs la même responsabilité te concernant). Tu dois saisir les opportunités, toutes les opportunités qui s’offrent à toi pour partager ce qui fera avancer l’autre. Ca veut dire partager la connaissance, le savoir-faire et les réseaux.   C’est aussi simple que réunir les jeunes de ton quartier pendant quelques heures au cyber-café ou chez toi quand tu rentres en vacances pour leur apprendre comment utiliser les logiciels de base dont la maitrise est demandée pour obtenir un emploi. C’est aussi simple que de demander aux sœurs, aux cousins, de ne parler que ta langue maternelle avec toi, avec tes enfants, pendant tout votre séjour. C’est aussi simple que d’aller apprendre chez ta tante à cuisiner la version originale du plat typique de ta région. C’est aussi enrichissant que de rapporter avec toi des livres, des manuels, des vidéos d’instructions qui pourront aider l’artisan du coin à apprendre d’autres façons de faire les choses. Tu es une clé de savoir partout où tu vas, encore faudrait-il que tu décides de servir. Tu peux ouvrir les portes d’un nouveau savoir aux autres et à toi-même si tu afro-éduques et que tu t’afro-éduques.

4- L’afro-motivation : S’il fallait ne retenir qu’un point, ce serait peut-être celui-ci, parce qu’en définitive, il soutient tous les autres. Rien n’est parfait à son début, et ce sont les commentaires constructifs, les encouragements, le partage d’expériences et de connaissances, qui ouvrent grand les voies du succès à toute entreprise. C’est pour ça qu’il faut savoir dire à ta sœur béninoise que tu aimes son blog de cuisine et particulièrement le fait qu’elle choisisse des recettes faciles et rapides. C’est pour ça qu’il faut savoir dire à ton frère camerounais que tu es fier-e de sa musique, qu’il a du talent et que le succès viendra. C’est pour ça qu’il faut savoir dire à ta sœur burkinabè que le sac à main qu’elle a créé a fait fureur à la soirée à laquelle tu l’as porté. Il faut aussi savoir dire les choses moins agréables mais tout aussi utiles au développement, comme « J’aimerais t’encourager mais ton magasin est trop loin, quelles sont tes possibilités de distribuer ailleurs dans la ville ? », ou « je voudrais recommander tes services mais vu qu’avec moi tu as eu du retard dans la livraison, j’avoue que ça m’inquiète, que peux-tu faire à ce propos ? ». Ces grandes tours, cette discipline et cette rigueur dans le travail, ces belles choses que tu admires dans les autres communautés et qui te poussent à y dépenser ton argent, ont été obtenues grâce à la double motivation des commentaires qui encouragent et de ceux qui aident à améliorer. Si tu veux voir l’excellence dans ta communauté, il te faut l’afro-motiver.

5-L’afro-consécration : « Mais qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu pour mériter ça », « l’Afrique est maudite », « Dieu nous a oubliés », voilà des phrases que j’entends souvent. Pour ce dernier point, je vais faire court : prions pour nos pays, prions pour nos dirigeant-e-s, prions pour notre continent. Je n’ai jamais entendu dire que la haine, les critiques stériles ou l’inaction aient fait avancer une cause. La Foi quand on l’exerce par contre, et encore plus quand on s’y met à plusieurs, soulève des montagnes. Tu pries pour te marier, pour de l’argent, pour un emploi, et tu consacres ta situation à Dieu pour qu’Il agisse. Si tu veux voir Sa puissance dans ta communauté, dans ton pays, dans ton continent, il faut savoir également les Lui consacrer.

Quand j’étais petite, ma sœur aînée à qui je demandais pourquoi elle ne laissait pas à terre la pièce de 5 francs qui s’était échappée de son porte-monnaie m’a répondu « ce sont 5 francs, additionnés à 5 autres francs, additionnés à 5 autres francs, qui, un jour, font 1 million ».

On a souvent l’impression qu’on ne peut pas grand-chose, alors on ne fait rien et rien n’avance, pourtant il faut commencer quelque part, et c’est mon message aujourd’hui.

Cet article, ces 5 attitudes, ce sont mes 5 francs, qui additionnés aux vôtres, donneront aux 1,111 milliards de ressortissants du continent africain, d’autres sujets de discussion dans 20 ans que l’éternelle déchéance du continent.

 Alors je vous le demande, êtes-vous prêts et prêtes à investir vos 5 francs pour notre milliard ou comptez-vous les laissez à terre ?