By Aline Tou

Quand on parle d’une femme qui a réussi, on entend souvent : « Elle est cadre supérieur dans une organisation internationale, elle est mariée au fils de… elle a 2 beaux enfants très intelligents, elle ressemble à un mannequin, elle a fait de grandes études dans une prestigieuse université américaine, elle roule dans une Mercedes, elle s’est achetée une immense maison, etc.… ». On envie ces femmes à en développer des complexes. Et pourquoi cela?

Parce que nous avons appris que la vie était un concours permanent, un championnat dans lequel certaines sont victorieuses et les autres échouent. Parce que la société nous dit que la meilleure chanteuse, la meilleure actrice, la meilleure athlète est celle qui a remporté le trophée ou qui a fait les meilleures ventes. Parce que l’oscar de l’actrice ayant déployé le plus d’efforts n’existe pas et qu’aucune médaille ne pend au cou de l’athlète qui a dû affronter le plus de critiques et de moqueries afin de simplement participer à la compétition.

Je suis reconnue donc je réussis ?

Est-ce que je peux dire que je réussis si je ne suis pas sur le podium, si je ne suis pas la 1ère ?

Laissez-moi vous parler de mon expérience dans le fait de ne pas être la première et des leçons que j’en tire encore aujourd’hui.

Quand j’avais 8 ans, j’ai vécu un drame, une catastrophe sans nom : j’ai été 4ème de ma classe (sur 25 élèves) et cela n’était jamais arrivé à l’éternelle 1ère de classe que j’étais. J’en ai pleuré pendant des heures, pensant que ma vie était fichue et trouvant injuste que MA 1ère place ait été attribuée à quelqu’un d’autre. Comment la vie pouvait-elle être aussi cruelle ? J’étais inconsolable, et dans le concert de compassion familiale, une voix discordante m’a tirée de mes jérémiades. En effet, Myriam, une amie de mes parents m’a dit la phrase suivante, et je ne l’en remercierai jamais assez : « tu sais ma fille, tu ne seras pas toujours 1ère dans la vie, il t’arrivera même d’être dernière dans certaines choses, et ce ne sera pas la fin du monde. »

La vie m’a démontré qu’elle avait raison et je veux partager avec vous les 3 leçons sur la réussite que seul l’échec pouvait m’apprendre :

  1. L’habitude du succès est le chemin le plus sûr pour ne pas réussir. Plus on réussit à quelque chose plus on recommence et moins on emprunte des chemins nouveaux. Or le chemin nouveau est celui qui ne nous garantit pas un succès immédiat, celui dont nous maîtrisons pas encore les détours. C’est aussi celui qui nous fera probablement avancer vers le véritable succès, celui qui s’apprend et celui qui nous apprend à être une meilleure version de nous-même. Parce que je n’ai pas été 1ère à l’école ce trimestre là, j’ai dû apprendre l’humilité et apprécier le succès que j’avais jusque-là considéré comme une évidence. Cette leçon à elle seule m’apprend encore aujourd’hui, face à mes limites, à mes échecs et à certains choix, à me dire que seule la fin de ma vie serait « la fin du monde ». Avant ça, j’échoue, je choisis, je fais des efforts, j’apprends, je réussis, et tout ça fait partie de la vie.
  2. La vie est une classe dans laquelle nous avons des professeurs différents. Dans une classe, les enseignant-e-s et les enseignements sont les mêmes pour tous, on peut donc savoir qui a été « meilleur-e» que l’autre dans telle ou telle matière. Mais la vie est plus complexe, et nous ne pouvons pas nous comparer les uns aux autres parce que nos blessures, nos rires, nos expériences marquantes sont trop différents pour qu’une échelle commune puisse exister et tant mieux. Il n’y a pas de premier de vie, il y a des vies qui se développent, se côtoient, se mêlent et se démêlent, et ont un sens et une valeur unique, sans classement possible.
  3. Faire la leçon aux autres c’est faire l’école buissonnière de sa propre vie. Ma mère nous a dit en grandissant, quand elle nous trouvait affalées sur le divan devant des séries passionnantes, que ce n’était pas normal de ne rien avoir à faire. On devait s’inquiéter d’avoir autant de temps pour « ne rien faire ». Je pense que ça s’applique à la vie. Si on a le temps de faire la leçon aux autres sur la façon de réussir leur vie, il y a de fortes chances pour que l’on soit entrain de rater ce que la vie veut nous apprendre à nous. En la matière il faut faire la différence entre faire la leçon, et prêter son cahier aux autres.

Aujourd’hui je constate que Myriam avait raison, je n’ai pas toujours été première dans la vie, et j’ai même été dernière dans certains domaines, et c’est vrai, c’était dur sur le moment, mais ce n’était pas la fin du monde. Grâce aux leçons de la vie, je sais aujourd’hui qu’échouer c’est renoncer à vivre la vie que l’on se choisit.